Journal de bord du misanthrope, jour de carnaval.
Texte : Jo Kawak
Illustration : Jacques F
Quelle étrange idée, ce carnaval. Quelles surprenantes conceptions, ces déguisements. On se voile déjà la face toute l’année, mais en février, l’accomplir physiquement paraît essentiel. On cache notre misérable existence derrière un masque ou sous un déguisement, pour mieux contempler celle des autres.
Le carnaval est un prétexte pour réaliser ce qu’on n’assume pas totalement le reste de l’année. Les princesses modernes peuvent enfin prolonger leurs désirs de vulgarité et se saper comme des putes. Les fachos intègrent une fausse Kommandantur et se rapprochent de leurs envies nazies. Les coincés du cul simulent la décontraction en pensant que le cool est une idée soixante-huitarde et qu’elle ne peut que se déguiser. Les trous du cul chauves à gros pectoraux peuvent enfin bander en affichant publiquement l’orgueil habituellement peu masqué de leur prétention physique sous l’artifice d’un hommage à Tarzan.
Le carnaval, seul jour de l’année où les idiots peuvent être savants, où les laids trouvent pire qu’eux, où les riches donnent l’illusion de savoir incarner le peuple et d’en avoir une vague conscience, où les ennuyeux tentent une touche de folie, où les pauvres se sentent briller.
Tous ces cons réunis en groupe iraient même jusqu’à communiquer entre eux. On baisse la tête toute l’année dans la rue, mais le jour du carnaval, on s’observe les uns les autres. Parfois, on sourit…oui, oui : en France! On va même jusqu’à dire « sympa le costume » au gars qu’on a insulté la veille dans sa bagnole parce qu’il a mis une seconde de trop à démarrer lorsque le feu est passé au vert.
Ils mériteraient tous qu’on leur jette des tomates à la gueule, qu’on les brûle vivants et qu’on crache sur la fumée.
Bon, je vous laisse, je dois choisir mon déguisement pour le carnaval. J’hésite encore entre le costume du Dalaï-lama ou celui de Mère Teresa.
Jo Kawak
Ou celui d’ange gardien ? Ce texte redonne foi en l’Humanité…
Ce texte plein d’empathie et de compassion m’évoque « Monde meilleur » de Didier Super, mais à l’envers… 😉