Ecothérapie
Texte : V!
Illustration : Tek
Je sais que du temps de mon grand-père, l’État en attribuait déjà un à chaque adulte, en fonction de leur lien antérieur ou tout simplement par tirage au sort, en tenant compte bien entendu de la proximité géographique.
Mais aujourd’hui, en 2084, l’affaire est plus aisée. Nous avons toutes et tous un proche gravement atteint. Par ce lien affectif, la démarche est rendue plus stimulante, la présence plus réconfortante et les échanges plus sincères.
Depuis que les « écolos » ont pris le pouvoir, les visites sont devenues obligatoires. De plus, la ministre de la communication nous assomme de sa propagande : affichée sur les panneaux publicitaires, expliquée en première page des journaux locaux, annoncée à la télévision, sur internet, à la radio…bref, on peut lire, voir ou entendre un peu partout le slogan : « Nous sommes toutes et tous Cancer-nés-es ».
« La terre n’est pas un don de nos parents, ce sont nos enfants qui nous la prêtent », qu’ils nous enseignent à l’école.
La source du mal : l’égoïsme et l’individualisme,
La source du mal : l’organisation économique et sociale fondée sur l’enrichissement privé,
40% des ressources de la planète sont exploitées pour le confort de seulement 6% de l’humanité.
Faire un effort ? Oui. Mais, plus tu tries tes déchets, et plus ces « cons » te mettent d’emballages plastique autour de produits à obsolescence programmée. Nous consommons toujours plus d’électricité (brosse à dents, voiture, culotte chauffante, robot mix…), les éoliennes, ces vigoureuses bites à hélices qui défigurent nos paysages, n’impressionnent toujours pas nos vieilles centrales nucléaires.
La peur du chômage, le besoin hystérique de consommer, la nécessité de rembourser ses crédits bancaires…engendrent du stress au travail, ajoutez à ça la malbouffe, l’air irrespirable (pesticides ou CO2, suivant que l’on habite à la campagne ou en ville), l’eau polluée…vous obtenez le remède miracle, l’antidote pour sauvegarder la planète : le Cancer de Masse.
« Nous sommes toutes et tous cancer-nés-es », hurlent les spots publicitaires.
Dans la grande majorité, le devoir civique est observé. Le citoyen-né s’y plie volontiers.
Léa rend visite à un cancer du pancréas. Thomas, lui, fait du zèle, sa condition de chômeur lui permet de passer plus de temps avec sa cousine qui est atteinte au cerveau. Moi, en plus du mien j’ai récupéré le frère de mon voisin. Il souffre des os. Mon voisin est un égocentrique irrécupérable. Il prétexte que la nouvelle loi permet un afflux considérable de visiteurs-euses dans les hôpitaux, dans le but d’augmenter les profits des sociétés propriétaires des parkings, des machines à café…ces mêmes sociétés qui sont responsables de l’état de santé minable de la planète. En fait, le type en question passe son temps dans les grands centres commerciaux, il réserve ses vacances pendant les périodes obligatoires de visites. Ses connaissances lui permettent de se soustraire à ses obligations.
C’est un accro à la CON-sommation, il entretien son égoïsme.
A dire vrai, je pense que les carottes sont cuites, ou plutôt que c’est la fin des haricots bio. Toutes les méthodes employées pour nous responsabiliser, pour nous ouvrir la conscience ne suffiront pas à sauver le « belle bleue ».
La nature est patiente et méthodique. Il est trop tard, le compte à rebours est lancé, le processus de destruction est irréversible. La vengeance de mère nature est terrible, lente, cruelle et implacable.
Vue de l’espace, la situation est tout aussi alarmante.
La Lune, également, rend des visites régulières à la Terre. Lui tournant autour, la Lune constate que l’état général de sa voisine ne s’améliore guère : « ça ne va pas mieux ? »
La planète, bleue pâle, lasse de souffrir, lui rétorque : « J’aurais dû faire comme avec les dinosaures. Pourtant, ces minus avaient l’air plus inoffensif. Je ne me suis pas méfiée. Maintenant, j’ai des métastases partout. J’ai le cancer généralisé de l’être humain. »
V !