La cérémonie des fêtards
Texte : Jo Kawak
Illustration : Cortez
Et le ballon d’or du meilleur acteur est attribué à Jo Kawak pour son rôle dans « Le match de dimanche dernier » !
« Je tenais tout d’abord à remercier mes sponsors, sans qui ma vie de gros fêtard ne serait pas possible. Merci aussi à mon sélectionneur de m’avoir ouvert les portes de l’argent facile. J’ai une pensée émue pour toutes ces pétasses qui me laissent encore les sodomiser alors que je les traite comme de la merde.
Je vous regarde, cher public, et je vous vois jalouser mon train de vie : mes bimbos et mes bolides de sport qui sucent un max, mes soirées à paillettes et mes magnums de Ruinart, mon sourire neuf et ces amas de coke dans mes narines bronzées aux ultraviolets.
Oui, je suis riche et célèbre. Oui, je suis propre sur moi et habillé par les plus grands couturiers. Oui, vous êtes des millions à me regarder à chaque saison devant votre télé à la con et tous vos smics réunis ne payeraient pas le cash que je claque dans les bordels le samedi soir. Oui, je fais la gueule et méprise votre chienne de vie. Oui, je refuse un autographe à un morveux de huit ans alors qu’il a cramé tout son argent de poche dans l’album Panini de mon équipe.
Mais vous savez : le milieu du football n’est pas si facile. J’ai dû courir comme un teubé après un ballon pendant des années, je me suis pris des tacles dans les chevilles qui m’ont fait souffrir à l’épaule, j’ai porté des blasons de multinationales sur des maillots titrés de mon nom, alors que je sais à peine l’écrire. Pas facile de vivre ça tous les jours !
Mais je suis sympa, alors je vais tout vous dévoiler : mon secret, c’est de regarder les autres jouer la comédie. J’ai appris à faire le spectacle en analysant les plus grands acteurs : Diego Maradona dans « La main de Dieu », Nicolas Sarkozy dans « Quelle indignité sur le service public vous n’avez pas honte Monsieur Pujadas », Céline Dion dans « J’suis tellement émue de vous voir ce soir ».
À force de m’entraîner, j’arrive à simuler sur le terrain des blessures invisibles, m’écrouler de tout mon long pour une bousculade inexistante, hurler à l’agonie sans raison, dans le seul but de voir un carton jaune ou rouge s’élever vers le ciel. Et je dois être bon, car c’est comme ça : je n’aime pas les gens mais eux m’adorent. Je suis devenu leur joueur préféré. Alors en toute modestie : ce prix, je le mérite. Vive le foot et vive le cinéma ! ».
Jo Kawak