La solution finale

La-route-des-migrants

La solution finale

Texte : M. Tran
Illustration : Bébert

Faut-il qu’ils aient le feu aux fesses et la mort aux trousses, tous ces migrants qui prennent la mer dans des conditions extrêmes vers des rivages incertains, se débattant en eaux troubles et malheureusement parfois retrouvés morts en eaux territoriales.
Faut-il qu’ils soient victimes de mirages dans leur désert de désolation, pour croire à l’eldorado européen et capitaliste, cause au moins en partie de leurs tourments et de leur misère.
Faut-il qu’ils soient désespérés, les survivants parvenus jusqu’à la jungle de Calais, prêts à attendre, parqués comme du bétail dans un no man’s land banalisé, avec une seule idée en tête : prendre à tout prix le bateau une nouvelle fois, dans l’espoir de rejoindre le pays du brouillard et du mouton bouilli, promis à des boulots d’esclaves, exploités comme des chiens par des libéraux sans scrupule, dans une perfide Albion qui ne veut pas d’eux.
Les Allemands, eux, s’étaient proposés de les accueillir dans un premier temps, avant de se rétracter, on ne sait trop pourquoi. C’est dommage, on comptait un peu sur eux, eu égard à leur savoir-faire et à leur organisation rigoureuse.
On aurait pu collaborer, diriger ces nouveaux parias vers de vastes camps d’Europe centrale, abandonnés depuis 70 ans (et pour toujours, pensions-nous), et leur faire passer ensemble de longues soirées autour d’un feu de cheminée.
Je suis sûr qu’ils n’y ont pas encore pensé, nos business planeurs. Ca résoudrait tout : on les installerait dans ce qu’on pourrait appeler Les Territoires Migrants Autonomes, ils disparaîtraient, définitivement peut-être, de notre vue et de nos consciences lâchement soulagées.
On repasserait les plats, pas garnis pour tout le monde, comme d’habitude. Mais c’est normal, ils apprendraient à nous connaître, dans toute la splendeur de l’égoïsme de notre société mercantile, dans l’oubli d’un passé à peine vécu et déjà obsolète, hormis peut-être un brin de nostalgie du bon vieux temps des bonnes vieilles guerres, la larme à l’œil, mais seulement à cause de la fumée qu’un vent mauvais nous renverrait au visage.
Car si on oublie l’Histoire, elle ne nous oublie pas, se répétant aussi inlassablement que la bêtise humaine.
Faut-il donc que l’on danse autour du grand feu, à regarder les migrants se consumer, en reprenant en chœur nos éternels refrains de gros cons barbares : « Moi je, moi je, moi je … tue toi».

M. Tran

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