Par le Docteur Spiel, expert en vulgarisation.
«Citoyens, parlez debout, mais par les deux bouts! »
Sur le sujet de l’ego, j’ai été piqué au vif: j’en ai un supradimensionné.
J’ai choisi d’éplucher pour vous « la psychanalyse pour les nuls » aux éditions Pluzonlétale.
Hélas, ce que j’y ai trouvé m’a déçu, je dirais même blessé. C’est pourquoi je vous en fais part.
L’humain possède un ego.
En psychanalyse, dès l’enfance, l’homme se construit un Moi pour jouer de son ego.
Sigmund Freud, fumant un cigare, sniffant quelques rails, finit par définir le Moi : machin bricolé par le cerveau humain pour lui permettre de penser qu’il est quelqu’un : lui.
Toi, lecteur, par exemple, tu possèdes un Moi.
Hélas, nous dit le vieux Sig’, le Moi est flou, construit sur des projections mentales hasardeuses, à partir de reflets pris n’importe où, et que ça invente, que ça délire…
Tu n’es jamais vraiment au courant de qui tu es. Aïe!
Et c’est pas tout, mon Freufreud arrive à nous balancer que: en gros, la moitié – oui, la moitié, mon frère – de ce que nous disons, pensons et faisons, se génère dans un brouillard inaccessible, loin de toute connaissance et décision… (je te jure, la psychologie,des fois, comme l’écologie, ça commence à bien faire!)
Marquons une pause. Moi, ça m’énerve, car je pense être un mec plutôt beau, fort et pragmatique. Je vis dans une époque moderne, où tout problème trouve sa solution techno-scientifique, pas comme dans ces foireuses qui nous ont précédées.
– Définition officielle du Moi : instance du registre imaginaire par excellence, donc des identifications et du narcissisme. Bon…
– Narcisse : personnage de la mythologie grecque qui, un jour, alors qu’il s’abreuve à une source après une dure journée de chasse, voit son reflet dans l’eau et en tombe amoureux!
Primo, les psy ont carrément engourdi au passage un thème évident de la triste histoire de ce garçon : les ravages de la chasse sur la santé mentale humaine. Pas très sérieux. Passons.
Deuxio : ils ont choisi cette histoire pour expliquer que tu dois apprendre comme bébé à t’aimer tout seul! Harf!
T’aimer TOUT SEUL ! Pas de mode d’emploi, de didacticiel, rien, juste vaguement quelques adultes pantelants de ton entourage abreuvés de TF1 et BFM-TV pour t’assister.
C’EST PAS DUR À AVALER, ÇA !?
Un petit poulain fraîchement accouché se met debout en trois minutes, mais toi tu ne t’aimes pas A PRIORI, il faut que tu apprennes! C’est dingue!! On comprend pourquoi y’a autant de psychopathes (imagine que dieu a créé tout ça? le vieux, c’est un genre de François Hollande, le gras du jambon jusqu’aux yeux, et vas-y tout à l’arrache!)
Je continue, le pire est à venir… il y a deux étapes au narcissisme.
Le premier narcissisme se construit chez le bébé (tout seul, avec ses petits doigts boudinés), à ce stade il n’a pas de conscience, que des besoins : dormir, manger, caca, pipi… c’est tout. Du coup, il croit qu’il est une partie de sa maman! une branche d’arbre reliée à son tronc. Le môme ne sait tout bonnement pas qu’il a un corps à lui.
Pour commencer à se faire un Moi, le minot ne va pas aller chercher loin : il joue avec son zizi, ou sa zozote. Il ou elle voit que ça fait quelque chose de très sympa quand il le frotte à fond sur le genou de Mamie (Mamie qui trouve en principe un truc urgent à faire à ce moment-là pour bouger sa vieille jambe endolorie).
Quoi, l’Autoérotisme!? Fondateur de la personnalité?! Oui!
Et là, suis bien : le plaisir fait piger au bambin qu’il a des pulsions – genre sexuelles – qui utilisent son corps pour faire bon-plaisir-à-son-pépère… donc ça veut dire qu’il a un corps À LUI! Eurêka!
(Si vous commencez à avoir du mal à suivre prenez le temps d’aller vous chercher une bière. Pas une merde commerciale au maïs et gluten, prenez une bière de brasserie traditionnelle belge).
La thèse? Voici: avec le désir, le petit d’homme va gagner en fantaisie, liberté, donc en créativité.
Il ne fait plus des choses archi-prévisibles, en ligne droite, il invente des fanfreluches auxquelles personne n’avait pensé avant. Ça amuse la galerie, qui a du plaisir à voir ça, et la boucle se boucle, la société humaine est en route dans toute sa diversité, joie, rigolade et bon caractère!
On peut donc dire que le chien désire la chienne, mais comme il l’ignore, il en reste là et n’invente jamais la tondeuse-à-gazon ni l’écriture cursive. (Bertolt Brecht : si les vaches pouvaient converser ensemble, il n’y aurait plus d’abattoir.)
Maintenant, imagine que Mamie t’a collé une baffe quand tu te masturbais sur son genou, sans rien t’expliquer. Et puis qu’on t’a puni à chaque fois que t’as étalé ton Nutella sur ta figure, bref, on ne t’a pas laissé prendre conscience du plaisir avec tout ce que ça implique de transgressif, donc de créateur.
T’a un égo ultra foireux! Il arrive quoi du coup? Non, c’est pas ça, cherche mieux…
Le mec ou la nana prendra quand-même du plaisir, mais ira le chercher… À L’ENVERS! Et là, ça craint de chez ça craint, À MORT !
Ça t’en Bush un coin, hein?
Du coup, la nana, elle deviendra par exemple Premier ministre du Royaume-Uni, du 4 mai 1979 au 28 novembre 1990. Le mec, il finira bien pire! T’as du choix : chancelier le 30 janvier 1933 en Allemagne, ou bien confondre une salle de concert dans le 11ème à Paris avec un stand de tir un soir de novembre 2015.
C’est pas qu’il a pas d’égo, ce mec-là! Au contraire, un égo archi-malade : soit démesurément gros, il appuie sur la gâchette, soit total déprimé, il tire la chevillette de la ceinture de TNT….
Donc, résumons.
Tu entres dans la catégorie être humain grâce à ton cerveau doté d’une conscience du désir et du plaisir: auto-érotisme (ceux qui pratiquent encore à outrance, je sais qu’ils sont nombreux parmi vous, lisez bien la suite s’il vous plaît).
Le narcissisme du genou de Mamie, c’est bien mais ça va cinq minutes. Il te manque BEAUCOUP de choses pour être enfin quelqu’un: une bagnole, des baskets, un style de mettre ta casquette, deux ou trois idées bien arrêtées…. Le but: que des filles acceptent de t’embrasser sur la bouche.
Alors, le narcissisme deuxième degré, ça va aller plus vite. Tu vas avoir absolument besoin de te faire des modèles, ressembler exactement à machin ou bidule…holalala…
En gros, tu vas commencer à chanter devant la glace une brosse à la main, et sans aucun humour, en faisant Beyoncé. Tu vas rêver de héros, positifs, négatifs… ça va continuer, tu vas vouloir un 4X4, un pavillon, une femme blonde, des gens sous tes ordres, alors que tu n’as aucune compétence, tu vas vouloir ressembler au mec type tablette-tactile-en-main/ tablettes-de-chocolat-au-bide… et tu voudras même la bombe atomique pour ton pays.
Bref, le narcissisme secondaire c’est l’identification: publicité, faux semblants partout, des cosmétiques jusqu’au cosmique! C’est foutu.C’est là, c’est là que l’égo c’est trop!
J’arrive au bout, on dit merci à Dr Spiel de te donner la recette d’un monde de merde facile à monter soi-même :
Tu fais un système où l’image remplace la chose, où la photo d’un sandwich te fait aimer le sandwich (qui est dégueulasse), où l’image sociale d’une bagnole te fait acheter la bagnole (t’en as pas besoin, sans parler du suicide environnemental), l’énoncé viril d’une idée te suffit à aimer l’idée…. Si tu fais ça bien, tu obtiens un peuple de gens qui ne savent à aucun moment qui ils sont véritablement, ils se contentent d’acheter les masques, de ressembler à des symboles sociaux.
Il te suffit de glisser toute cette merde sous leurs yeux et leurs oreilles juste à chaque fois qu’ils cherchent ce fameux amour d’eux-mêmes, dont ils ont obligatoirement besoin pour se faire un sacré putain de MOI!
Donc, le vrai amour de vivre est anesthésié, c’est parfait, et Anastasia, ta poupée gonflable, ben tu l’aimes! Oui, vraiment, tu fermes les yeux et t’y crois…
Dernière couche :
Ton peuple de zombie sent inconsciemment que tout ça ne le rend pas vraiment libre et émancipé ?
C’est génial !! Ton peuple a la trouille tout le temps sans comprendre pourquoi, puisqu’il se gave d’achats, et donc ne songe pas à une seconde à t’en rendre responsable…
C’est excellent pour toi ça là-haut, mon tonton !
Plus ils ont peur, plus ils s’accrochent à leur masque, désespérément, moins ils cherchent à penser par eux-mêmes et en groupe. Déprimés, ils sont plus faciles à gouverner. («le pouvoir nous veut tristes» Deleuze)
Voilà ton égo, mon gogo, t’as beau être mégalo, mais dans le fond, ton cerveau, il fait du pédalo…
Du coup, moi, je vais continuer à faire de la médecine du fond de mon pieu. Au moins, là, personne ne me remettra en question.
Bien à toi, et pense avant de panser, espèce de toi-même.
Dr Spiel.