L’excessif

pantagruelL’excessif

Texte et dessin : Bébert

On me dit excessif, déjà le dernier qui m’a dit ça, je lui ai explosé la gueule, et dès qu’il sortira de l’hôpital, je lui passerai la deuxième couche pour lui apprendre à me parler avec modération.
Bon, c’est vrai que des fois j’exagère, Si par exemple, après une bonne soirée, je ne me réveille pas aux urgences et que deux flics ne sont pas à mon chevet pour m’expliquer que je vais devoir rembourser les frais de pressing de leurs uniformes sur lesquels j’ai dégueulé avant de tomber dans un profond coma éthylique, et bien, je trouve la soirée que je viens de passer un peu fade.

Ok je fais la fête de façon démesurée, champagne et cocaïne sont les palliatifs de ma pantagruélique soif de plaisir. Mais je ne suis pas un égoïste, je ne garde pas tout pour moi, je partage, je régurgite. Il faut voir le nombre de parasites qui m’accompagnent lors de mes soirées de VIP à profiter du ruissellement du trop-plein de mon opulence. Je suis sûr qu’ils vont jusqu’à récupérer mes mouchoirs pour se faire des rails avec mes crottes de nez cocaïnées.

Il y a truc que j’ai du mal à partager, c’est l’argent, il faut dire que je suis né dedans et il m’en faut beaucoup pour assouvir ma dépendance. On ne va pas quand même me le reprocher, on ne demande pas un poisson de vivre au grand air. Eh bien moi c’est pareil, nous baignons dans l’argent depuis des générations et on ne va pas sortir de l’eau pour faire plaisir à deux ou trois gauchistes adeptes du darwinisme. Pour nous, c’est nage et rêve, pas marche ou crève.

De plus, si on n’est pas excessif dans ce milieu, qui le sera ? Pas les pauvres en tout cas, ils n’en ont pas les moyens, par contre nous avons besoin d’eux, ils sont la matière brute de notre démesure, Ce sont leurs carences qui alimentent notre opulence.
L’époque est propice à ce genre d’exercice. Nous les riches, nous vous avons offert la crise pour cacher l’indécence de de nos dividendes à jouer vos destinées sur les marchés des produits dérivés.

La finance c’est Byzance, c’est autre chose que l’industrie de papy, on fait des plus-values de gros goulus. On est comme des joueurs addicts et compulsifs, on se shoote à la dopamine mais sans les effets secondaires, ceux des jeux de hasard qui vous font échouer sur le trottoir à force de miser sur sa bonne étoile, on ne perd jamais à la roulette du grand capital, tu perds, je gagne, je gagne, tu perds.
Mais nous ne sommes pas des chiens, nous vous avons laissé et même encouragé à vous vautrer dans la lie de vos propres addictions. Excès caloriques, alcooliques, nicotiniques, médicamenteux, consuméristes, téléphagiques, monophobiques sont les palliatifs de vos propres frustrations de ne pas avoir accès au pognon pour assouvir vos passions.
Alors chacun ses excès, vous pouvez continuer à comater tranquillement devant votre télé, nous nous assurerons que vos auges soient toujours bien remplies pour que nous puissions accroitre notre concupiscence.
Dieu possédait toutes choses. Pour un juste retour des choses, nous avons accompli une OPA dogmatique, nous remplaçons une vieille croyance un peu rance par le règne de la finance pour alimenter nos dépendances.

Bébert

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