Mobilité, flexibilité, compétitivité…enfoirés

val2Mobilité, flexibilité, compétitivité…enfoirés

Texte : V!
Illustration : Val

On y est soumis depuis longtemps, nous, aux exigences économiques, et on n’en fait pas tout un plat !

Pendant la période moyenâgeuse, nos ancêtres entrepreneurs avaient pris la mer, au péril de leur vie, affrontant moult dangers : pirates anarchistes, requins communistes, tempêtes engagées, récifs black block… et ce n’était pas pour le plaisir de l’aventure. Ils sont partis à la conquête d’autres marchés, c’est l’appât du gain qui les a jetés à l’eau. Quel courage !
Je vous demande, donc, de faire preuve de sagesse et d’arrêter de vous plaindre.
Aujourd’hui, les transports sont rapides et confortables. Lorsque nous délocalisons en Pologne, par exemple, le prolo pourrait suivre son « gagne-pain », ce n’est quand même pas l’Amérique !
Fainéants ! Nous déplaçons les usines dans des pays où les travailleurs ont l’opportunité d’augmenter leur pouvoir d’achat, s’ils daignaient bouger leur cul ! Les syndicalistes sont de vrais enfoirés !

Je n’ai jamais hésité à modifier mon planning, même à la dernière minute, pour améliorer mon rendement et apporter le maximum à mon, à notre entreprise. Je me dévoue corps et âme à la survie de l’économie de notre pays.
Tenez ! L’autre fois, je me suis mis une mine au Champ’ avec des amies d’un soir. Je me suis levé avec un mal de crâne féroce, les cheveux me poussaient à l’envers. Ce n’est pas bon les bulles (sauf les financières évidemment) ; et bien je n’ai pas hésité à décaler mes horaires de travail. Au lieu d’allumer l’ordi le matin, j’ai allumé l’ordi l’aprèm’. Ce sont les aléas de la vie. Il faut s’adapter.
Alors, si je te supprime un congé la veille de ton départ en vacances, j’aimerais que tu ne viennes plus inonder mon bureau de larmes avec tes histoires de garde partagée, merci ! La vie est compliquée pour tout le monde.
Vous essayez de me prendre par les sentiments, mais je suis quelqu’un de responsable, j’essaie de préserver vos emplois coûte que coûte ! Vous êtes des enfoirés de grévistes !

Bon, pour une fois, restons calme. Ecoutez-moi et arrêtez de faire les enfants. Je vais être honnête avec vous. Vous n’avez pas le choix, vous devez l’accepter, c’est simple pourtant : vous êtes la variable d’ajustement. C’est la dure loi du marché.
Si l’Europe a été inventée, c’est dans le but de mettre en concurrence tous les ouvriers afin de baisser leurs coûts. Pour bosser tranquille et garder notre confort de vie, il fallait créer le chômage de masse. « Tais-toi ! T’as de la chance d’avoir un travail ! ». Le chantage est dégueulasse, mais Dieu l’a voulu ainsi.
Quand je fais une bouffe avec mes potes du CAC 40 (voleurs), on se charrie. Si je cède à un de vos caprices et que j’augmente vos salaires, même de manière ridicule, tout le monde se fout de ma gueule. Nous sommes sans cesse en compétition. La pression est permanente comme pour vous. Nous sommes sur la même galère, dans le même monde, que ce soit avec ma Rolex ou toi avec ta Casio, nos montres indiquent la même heure.
La lutte des classes n’existe pas, cessez de nous faire passer pour la caste des brutes, espèce d’enfoirés de gauchistes.

Mobilité, flexibilité et compétitivité sont des valeurs intrinsèques à l’espèce humaine. Ces lois naturelles ont permis le développement de notre intelligence et ainsi de dominer la planète.
Nous travaillons sans cesse à rendre plus humaine notre existence, le retour aux sources, à une vie de battants où les plus méritants vaincront et gagneront notre estime.
Servile, docile envers les forts et ignoble, cruel envers les faibles, c’est la recette de la réussite sociale. Vous faites semblant de ne pas comprendre, enflures !

Le manuscrit satanique que représente le code du travail, dont les incantations psalmodiées par les adorateurs du diable pour maintenir son influence parmi nous, est heureusement combattu aujourd’hui par les chevaliers hollandais de la table rose, partis en croisade guidés par leur foi en notre seigneur Dieu tout puissant, armés de leur seul courage et du verset 49.3.
Parviendront-ils à anéantir les effets du malin sur nos terres ? Prions pour eux. Amen.

V !

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