Naturelle

Naturelle

Texte : Lyne
Illustration : Oyanamar

Un matin, je me suis découvert plusieurs poils sur les seins. Ils étaient longs et très fins. Je les ai arrachés d’un geste sec et horrifié. Ils n’ont pas résisté.
Le lendemain, il y en avait davantage. Je leur ai fait subir le même sort, légèrement angoissée.
Et ça a continué comme ça. De plus en plus nombreux.
Ils ont atteint mon ventre, mon dos, mes épaules.
Je me suis décidée à aller voir une esthéticienne qui, d’un air dégoûté, m’en a débarrassée au prix d’énormes souffrances et d’un gros trou dans mon budget.

J’ai été tranquille une semaine. Je les avais presque oubliés, lorsqu’ils ont refait leur apparition, cette fois me couvrant tout le torse.
J’ai consulté une dermatologue. Elle me les a brûlés au chalumeau. Mais chaque jour, ils étaient de retour, plus gros, plus noirs, plus vigoureux.

Pendant ce temps, quelque chose dans le paysage changeait, mais j’étais trop préoccupée par mon pelage pour y faire vraiment attention.
D’ailleurs j’osais de moins en moins sortir. Mais chaque fois que je regardais par la fenêtre je trouvais qu’il y avait de plus en plus de végétation.

Au bout de quelques jours, j’étais entièrement recouverte de poils. Je suis repartie chez l’esthéticienne, la mort dans l’âme, ravalant ma honte, après avoir demandé un prêt à la banque par téléphone, avec difficulté, car le réseau était très mauvais.
Les routes étaient de plus en plus étroites et j’ai dû abandonner ma voiture pour continuer à pied à travers une forêt que je n’avais pas remarquée la dernière fois.
Mais le salon d’esthétique avait disparu. J’ai alors tenté de me rendre chez la dermato. C’était la même chose. Plus rien. Il y avait de moins en moins de maisons. Celles qui restaient étaient les plus anciennes.

J’ai réussi à rentrer dans ma maison entourée d’arbres, au centre d’une petite clairière très jolie.

Mais ce matin, elle aussi a disparu. Je me suis réveillée au pied d’un arbre gigantesque. Le soleil filtre légèrement à travers le feuillage.

J’ai faim, je vais voir si je ne peux pas cueillir quelques baies par-ci par-là.

Demain, je pense que ce texte n’existera plus, car nous n’aurons pas encore inventé l’écriture.

One comment on “Naturelle
  1. Gabi dit :

    Mais c’est le scénario de « La planète des guenons » !!!

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