Quick star

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Texte : Bébert
Illustration : Cortez

J’étais une star, une étoile dont la magnificence saturait tous les écrans par sa luminescence. Une icône de smartphone, une princesse du net aux milliards de followers et de likers, la Marilyn Monroe de la télé réalité et des talkshows. C’était moi Jennifer Winner, the queen of the médias.
En fait, je m’appelle Frida Getzelvillère, mais j’ai préféré me refaire une nouvelle identité pour ma carrière. Il n’y a pas que ça que j’ai fait refaire pour réussir mon affaire, il ne suffit pas de changer le fond, il faut aussi customiser la forme. C’est fini la 2D, le cinéma à papa tout plat, aujourd’hui c’est l’air du numérique, de la 3D, il faut du volume, de l’explosion mammaire, des lèvres gonflées comme des pneus de tracteurs, un cul liposucé bien moulé dans un pantalon slim.
Déjà, toute petite, je rêvais d’être une Loana, une Samantha Fox, une Pamela Anderson… Elles étaient mes modèles, celles qui avaient réussi sans être obligées de posséder ne serait-ce qu’un CAP de coiffeuse ou de camionneuse, pas obligées d’apprendre tous ces trucs qui ne servent à rien pour gagner trois fois rien. Je voulais être adulée, gagner plein de fric et barboter dans ma piscine en prenant des rails de cocaïne.
J’avais commencé classique dans une troupe de théâtre amateur, mais il fallait connaître par cœur des textes d’auteurs auxquels je ne comprenais rien, pour les jouer devant un attroupement clairsemé d’agriculteurs. La culture agricole n’était pas pour moi la bonne école. J’ai quitté mon village natal et je suis montée à la capitale pour faire fructifier mon capital, concourant à tous les castings à la recherche d’un petit rôle, figurante dans une émission de télé-achat, actrice dans une pub, candidate d’une émission de télé-réalité….
Le basculement de ma carrière est intervenu lors de ma participation à une saison de la ferme des écervelés, dans une scène mythique un soir dans la piscine. La tension était à son comble, seule avec Kévin, surnageant en face à face dans cet écrin de nuit étoilée, il me dit : « Je te kiffe à mort, Jennifer, je te péterais bien ton luc ». Etait-ce lié à l’effet de cet assaut syntaxique intrusif, quoi qu’il en soit, je lâchai un énorme pet dont les répercussions sur la lisse étendue d’eau de la piscine entrainèrent un petit geyser de bulles, libérant de leur cocon mes senteurs les plus intimes.
C’est par le cul que j’ai percé, j’enchaînais toutes les émissions, j’en ai même eu une à moi, une émission politique où je posais des questions intimes, voire coquines, à des énarques prêts à tout pour avoir un peu de notoriété et devenir eux aussi des célébrités pour lesquels on allait voter.
Mais hélas, j’aurais dû apprendre à compter plutôt qu’à sucer. Je me suis fait baiser par mon impresario, il s’est barré avec le magot. J’ai déprimé et on m’a vite oubliée. Aujourd’hui, les seules étoiles que je vois son celles sur mes bouteilles de piquette, que j’écluse dans mon squat en rêvant qu’un jour on vienne me repêcher pour passer dans une émission sur les stars oubliées.

Béberte

One comment on “Quick star
  1. Gabi dit :

    Ton surnom à l’école c’était « Béberte aux grands pieds ». Ah ! Tu l’as eue ta revanche contre tous les anciens « camarades » de récré qui chaque jour te bourraient de complexes ! C’est pour les défier que tu as grimpé avec un tel acharnement les marches qui menaient à la lumière et la célébrité. Pour un instant tu n’as plus été le vilain petit canard, mais tu as fini par te faire plumer quand même…

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