Ma poule
Texte : Bébert
Photomontage : 537718
Moi, le soir venu, j’aime courir la gueuse. Attention, je cherche de la poule de luxe, pas de la poulette importée d’Europe de l’est. Je les aime un peu grasses, dans le style mère dodu, dandinant du croupion à vous en faire péter la braguette du pantalon.
Je ne recherche pas non plus de l’esprit, je recherche de la bécasse pour réveiller l’animal qui est en bas. Pas besoin de faire la roue ou de faire le coq du village, juste leur filer un peu de blé dès que ma petite affaire est réglée.
Le cérémonial est toujours le même : à la nuit tombée, j’enfile mes bottes et je pars à la chasse à la cocotte. Comme j’habite à la campagne, c’est dans les basses-cours que je les trouve. La volaille a beau être protégée des vieux renards du soir dans ses cabanes à cadenas, rien n’est inviolable pour un monte-en-l’air des perchoirs comme moi.
Ce que j’affectionne, c’est de leur faire des mouillettes. Il faut prendre la poule, lui mettre des petits chaussons pour éviter de se faire peler les roustons, et la travailler à grands coups de reins en allant bien au fond. Dès que tu as cassé la coquille, tu cries « mouillette » et tu ouvres les écoutilles. Ça te fait un œuf à deux blancs.
Il m’arrive d’être infidèle à ma poulaille traditionnelle pour aller traîner dans de l’industriel. J’ai besoin de quantité pour épancher une de mes perversités avec les gallinacés. Il me faut un max de meufs pour faire mes soixante n’œufs.
Pour faire un soixante n’œufs, il faut mettre la bouche en cul de poule et aspirer. Dès que tu as gobé tes soixante n’œufs, tu as gagné. Attention, il faut y mettre la langue pour boucher l’intestin et laisser ouvert le vagin. Il y deux arrivées, mais un seul trou, si tu te trompes, cela n’aura pas le même goût.
Mais il va falloir que je m’arrête, car maintenant, quand je passe devant un poulailler, je vois de drôles de poussins qui pépient « papa, papa, papa,… », en m’implorant du regard de l’enfant abandonné qui voit leur père s’éloigner sans même se retourner.
Bébert