Salut Jean-Pol !
Texte : V!
Illustration : Cortez
Oh, merde ! J’crois bien que j’suis mort. Panne de voiture, en plein hiver, à dix bornes de la maison…personne ne s’est arrêté. J’ai terminé en Mr Freeze.
Par contre, ici, il fait chaud à crever. On dirait un salon, sans fenêtre, une espèce de prison de velours, Tiens, un fauteuil ! Je m’installe.
Je remarque en face de moi un type au visage familier, qui me regarde derrière des grosses lunettes avec un air amusé.
Mais p’tain ! C’est Jean-Pol. Jean-Pol Sarte,
Euh, Sartre, Jean-Paul Sartre.
J’me plante à chaque fois. Déjà au BAC, j’avais fait la boulette. Mais j’ai quand même retenu quelque chose de « Huit Clous » : l’enfer, c’est les autres. C’est vrai, les autres, ils sont lourds à te critiquer tout le temps.
Jean-Paul sourit, réajuste ses lunettes et me dit :
Tu sais au fond de toi que tu as fait du mal.
Un peu gêné, je lui explique :
Moi, j’aimais le confort et la sécurité, et bien tu sais…c’est devenu balèze aujourd’hui, t’as plus assez de fric, mais on te donne envie d’avoir plein de choses, et pour garder ton boulot, t’es obligé de marcher sur les têtes.
J’ai l’impression que tu as conscience que tu as vécu en contradiction avec la morale qui est intrinsèque à l’Humanité.
Hein ? Quel drap sec ?!!
Putain ! J’comprends rien à c’qu’il dit et je me sens obligé de me justifier :
Je suis futé, tu sais : après le boulot, même si je balance au chef les erreurs de mes collègues pour être bien vu, quand je rentre à la maison, j’oublie tout. De mes relations de travail, je ne côtoie personne. Je ne mélange pas mes fréquentations. D’ailleurs, j’en ai pas. Ni amis, ni voisins à qui j’ai emprunté du blé ou des outils (que je n’ai jamais rendus), ni frères, ni sœurs parce qu’ils sont jaloux de mon bonheur. Je me suis occupé de ma mère deux jours avant son décès, il est normal que je pioche allègrement dans l’héritage.
Plus personne ne peut te juger, alors ?
Ouais, peinard ! Merci, Jean-Pol, pour tes conseils.
Tu vas être déçu, mon brave, je crois bien qu’il y a méprise sur le sens véritable de la très populaire tirade : l’enfer, c’est les autres. L’enfer gît à travers même l’Humanité. Un Homme est jugé par ses actes, la connaissance de soi-même passe par les autres. Les autres sont un miroir, tu te retrouves en face de toi-même. Si tes relations sont mauvaises avec les autres, alors tu es mauvais. Tu t’isoles du jugement des autres parce que tu veux éviter l’introspection.
Est-ce que tu peux me réexpliquer, Jean-Pol ?
En fait, t’es une pourriture et un gros con, mais tu ne veux pas le savoir. T’as passé ta vie à chier sur la tête des autres et t’es mort comme une merde.
Allez, je m’en vais, je te laisse seul avec toi-même pour l’éternité.
Ah non ! Pas avec lui !
V !