Carnet de vacances de mon jeune cousin misanthrope
Texte : Jo Kawak
Illustration : 537718
21 Juin
Les festivités lancent les vacances. Aux quatre coins des villes, les bières fraîches coulent à flots, les touristes sont blancs, les tenues sont légères pour un début d’été dont les quelques rayons de soleil se font rares. On nous parle de réchauffement climatique, mais le Hummer n’a même pas à activer sa clim automatique sur la route du sud ! WTF ? Des groupes abordables au son de merde sont embauchés pour remplir les terrasses et que la musique soit fêtée. Des élus applaudissent avec les oreilles qui saignent. Montrer aux sans-dents qu’on est comme eux, puis rentrer sagement, enlever les boules Quies, et espérer qu’ils se rappellent de cet effort populaire lorsque les bureaux de vote trembleront dans un an.
10 Juillet
La finale de l’Euro donne des élans de patriotisme. On a craché toute l’année notre désolation de ce pays, on a eu mal à notre France, mais des milliardaires peroxydés qui courent après un ballon nous font oublier un 49.3 en deux-deux. Fous de foot, on est prêts à donner notre vie dans ces deux heures, pourvu que M6 ne fasse pas grève. Les touristes blancs sont devenus rouges, à cramer sur la plage pour rentabiliser les quinze jours entassés dans un VVF. Le Codevi cassé pour mater le 1 à 0 en bord de mer, à voir nos Bleus refuser la médaille de second rang par un réflexe égocentrique, ça vaut bien quelques envies de meurtres. Bières et whiskys font resurgir le racisme presque oublié lorsque nos pieds brûlaient dans le sable fin du rivage. On a soudain envie de casser des gueules de Portugais, parce que, faut pas déconner, le foot c’est une question de principe. On peut inonder les réseaux sociaux de blagues douteuses, de phrases provocatrices : l’honneur est sauf sous prétexte qu’on tape d’un poing d’honneur sur une poitrine recouverte d’un maillot bleu, blanc, rouge.
14 Juillet
On veut se pointer sur l’esplanade, l’Iphone bien chargé, prêt à publier des photos sous filtre Instagram d’un feu d’artifice reluqué sur nos écrans, posey, les pieds dans le sable. Les pétards aux centaines de couleurs font vibrer la France, les touristes aux peaux pelées regardent des fusées hors de prix éclater dans le ciel noir. Des explosions à en réveiller les douloureux souvenirs de nos grands parents planqués dans des caves en 45, quand les déflagrations ne se taguaient pas encore d’un hashtag YOLO. Un abruti en camion passe, et voilà qu’on perd Morandini et ses jeunes acteurs nus de nos fils d’actualité.
Bientôt, le 15 Août, le voyage retour et les courses de la rentrée sous la chaleur caniculaire, à hurler sur la greluche qui voudra l’agenda Pokémon avant nous. On ira gratter des cahiers de 96 pages à petits carreaux et des copies doubles perforées, en attendant qu’une météorite décime la Terre, que la race humaine s’asphyxie du sale oxygène qu’elle a elle-même souillé, ou d’une toute autre nouvelle dans ce genre. Ce sera bien fait pour nos gueules de cons.
Jo Kawak
Bon d’accord, je vais me suicider avec de la bière en re-regardant la finale de l’euro pendant que ma fille cherche des Pokémons sous un feu d’artifice, avec un chauffeur de camion frigorifique qui pollue.
Sans ça, ma voisine est portugaise mais elle est quand même sympa.
Hey môôôôôôôsieu
welcome on board 😉